Comment le Mécanisme Indépendant d'Inspection (MII) peut-il mettre en œuvre son nouveau cadre politique et assurer un système de recours plus efficace aux communautés affectées par les projets?

Suite à sa troisième revue du mécanisme de responsabilité de la Banque Africaine de Développement (BAD), le Conseil d'Administration de la BAD a agréé un nouveau cadre politique pour le Mécanisme de Recours Indépendant (MRI). Bien que la nouvelle politique ait le potentiel de renforcer la responsabilité institutionnelle et servir de moyen pour répondre aux défis des communautés, ces résultats ne sauraient dépendre que de la mise en œuvre effective de la politique par le MII. Une participation constante de la société civile est importante tout en assurant une opérationnalisation de la nouvelle politique par le MRI afin que la BAD fasse des foulées dans d'autres processus de révision des politiques qui impactent également sur la protection des communautés affectées par les projets.

De Décembre 2019 à Septembre 2021, la Banque Africaine de Développement (BAD) a entrepris la troisième révision de son mécanisme de responsabilité, désormais appelé Mécanisme de Recours Indépendant (MRI). Le BIC et ses partenaires ont activement participé au processus de révision, en deux séries de consultations publiques sur les documents clés. Nous félicitons la BAD et l'unité du MRI pour leur engagement vers un processus de révision collaboratif et inclusif. La BAD a fourni suffisamment de temps aux parties prenantes externes, et aux organisations de la société civile (OSC) pour reviser et préparer des commentaires sur des conclusions de la troisième revue et les procédures du MII de 2015, et a intégré plusieurs recommandations des OSC dans le nouveau cadre politique du MII.

En septembre 2021, après approbation de la nouvelle politique du MII par le Conseil d'Administration de la BAD, le mécanisme de responsabilité restructuré a le potentiel de renforcer l'accessibilité pour les plaignants et offrir un redressement plus équitable aux communautés africaines lésées par les opérations financées par la BAD. Par exemple, le MRI dispose désormais des potentialités pour examiner les plaintes de violations des droits de l'homme, les plaintes individuelles, et peut désormais recevoir et étudier une plainte conformément aux procédures judiciaires parallèles. La nouvelle politique prévoit également une participation régulière des plaignants dans la conception des résultats des enquêtes du MII, puisqu'ils sont autorisés à faire des commentaires sur les projets de rapports et de recommandations de l’examen de conformité du MII. D'autres améliorations importantes telles que l'adoption d'une norme de tolérance zéro pour les représailles à l'encontre des plaignants, la responsabilité du MRI de poursuivre un processus de plainte sensible à la culture et au genre, la capacité du MRI à examiner les plaintes sans l'approbation du Conseil d'Administration, et l'engagement de l’Administration de la BAD à faire connaître l'existence du MRI aux personnes affectées par le projet.

Bien que le nouveau cadre politique représente une avancée positive vers une BAD plus responsable, un recours significatif pour les communautés affectées dépend énormément de la mise en œuvre effective de la politique par la BAD et l'unité du MRI. Au cours de la mise en œuvre de la nouvelle politique, nous exhortons l'Unité du MRI de:

  1. Constamment solliciter la contribution des OSC sur comment adapter les nouvelles procédures dans les différents contextes africains. Pour mener à bien un processus de révision sensible à la culture et au genre, le MII doit être en mesure de trouver la connotation de ses principes dans les différents contextes de la région. L'expertise des OSC et leurs liens directs avec les communautés peuvent faciliter l’élaboration du processus du MII afin de soutenir judicieusement le processus de plainte tout en tenant compte de la culture et du genre. Par exemple, les OSC sont bien positionnées pour fournir des feedbacks sur la stratégie de communication et de sensibilisation du MII afin d’assurer l’adaptabilité de ses stratégies dans de différents contextes. De plus, les OSC peuvent constamment informer le MII des composants de la stratégie qui fonctionnent efficacement et ceux qui sont défectueux pendant le processus de mise en œuvre.
  2. Travailler avec le Conseil d'Administration de la BAD et organiser des consultations publiques pour élaborer un cadre de fonds de recours. L’absence d’un mécanisme pour faciliter systématiquement la réalisation effective des recours rend le système de responsabilité de la BAD incomplet et inadéquat. Bien que les nouveaux processus du MRI puissent déboucher sur des plans ou des accords correctifs, l'expérience a montré que le manque de ressources facilement accessibles peut négativement impacter leur mise en œuvre. La BAD devrait développer un cadre de fonds de recours, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies, par le biais d'un processus de consultation publique effectif et transparent qui inclut une vaste gamme de parties prenantes, y compris les communautés affectées et la société civile. Les documents détaillant les options sous considérations doivent être rendus publics, et les parties prenantes doivent avoir la possibilité de formuler des commentaires.
  3. Inclure un représentant des OSC dans le Groupe Consultatif Externe. Les OSC ont joué un rôle déterminant dans le processus de révision du MII, accentué les voix des communautés, et sont capables de constamment remonter les préoccupations et feedbacks des communautés en tant que membre du Groupe Consultatif Externe. Ce rôle pourrait également servir de liaison entre l'unité du MII et les OSC, afin de surmonter les problèmes de communication entre la société civile et la BAD.

En plus du travail pour la mise en œuvre efficace et inclusive de la politique, la BAD devrait également tirer des leçons des résultats positifs du processus de révision de la politique du MII, et entreprendre des processus de révision autour d'autres politiques inclusives de la BAD. La BAD devrait particulièrement s’inspirer des éléments du plan de consultation du MII qui ont contribué à un processus consultatif, inclusif et significatif de révisions de la Politique de Divulgation et d’Accès à l'Information (DAI), du Plan d'Action sur le Climat et du Système de Sauvegarde Intégré (SSI) en cours. C’est un désir pour les OSC de voir un processus de consultation complet lors de la prochaine révision du SSI, tout en exprimant leurs préoccupations en relation du retard qu’accuse la BAD pour la publication du plan de consultation. Des préoccupations similaires ont été exprimées par les OSC lors de la révision du DAI. L’absence d’une participation significative de la société civile dans ces révisions positionne la BAD loin derrière ses institutions homologues. Un processus complet et inclusif est important pour la révision de ces politiques qui assurent une protection si pertinente aux communautés et à l'environnement dans les projets financés par la BAD.